Reines et courtisans

1-La Grande Epouse Royale, la prestigieuse dame Tyè :

La Grande Epouse Royale, Tyè, puisse-t-elle vivre. Le nom de son père est Youia et celui de sa mère Tjouia ; elle est (maintenant) l'épouse d'un puissant souverain dont la frontière méridionale s'étend jusqu'au pays de Karoy, et la septentrionale jusqu'au pays de Naharina.
(texte figurant sur la série de scarabées émise pour célébrer le mariage de Pharaon et de Tyè, Urk. IV, 1741, l. 89-15)


Hathor sous les traits de la Grande Dame Tyè, musée de Louqsor.


La Grande Dame Tyè, musée du Louvre.

Tyè fut l'épouse principale d'Amenhotep III Nebmaâtrâ (Amenhotep III Nebmaâtrâ : le Pharaon Soleil), celle qui portait le titre de Hémèt Nè-Sout Ourèt (Titulature du roi et de la reine), littéralement "la Grande Epouse Royale". Originaire de la ville d'Akhmin en Moyenne Egypte, né de l'union d'Youia un prophète du dieu Min et de Tjouia, une supérieure du harem de cette même divinité, elle épousa Amenhotep III Nebmaâtrâ dès le début de son règne. Elle lui survécut et ne mourut que durant le gouvernement de son fils et successeur de son époux Amenhotep IV/Akhénaton (Une succession obscure et agitée), sans doute en l'an VIII de son règne. Depuis le début de la XVIIIe dynastie, certaines reines avaient tenu des rôles relativement importants aux côtés de leurs époux ; avec Tyè, la position de la Grande Epouse Royale devient encore plus éminente, Pharaon l'associa très étroitement aux cérémonies officielles du règne. Tout comme Maât suit Râ dans le ciel, Tyè accompagne Pharaon dans l'exercice du pouvoir terrestre, tenant ainsi un rôle idéologique et symbolique de tout premier plan. A la fin de son règne, Amenhotep III, diminué par l'âge et la maladie dut sûrement lui confier certaines de ses prérogatives, la reine exerça alors sans doute une grande partie du pouvoir. Difficile de savoir qui se cache réellement derrière ses portraits hiératiques officiels, sans doute une très forte personnalité, qui sut à n'en point douter jouer un habile rôle politique, et qui s'impliquât assurément dans la réforme amarnienne.

2- Les épouses secondaires et les hautes personnalités du règne :

An 10, troisième mois de la saison d'akhet, sous la majesté de (... suit la titulature d'Amenhotep III), la Grande Epouse Royale Tyè, puisse-t-elle vivre. Le nom de son père est Youia, celui de sa mère est Tjouia. Une chose admirable est advenue à Sa Majesté, vie, santé, force : (la venue de) la fille du Grand du Naharina, Shouttarna, Gilouheba et de 317 femmes de son harem.
(texte relatant l'arrivée de la princesse mitanienne Gilouheba et de sa suite, Recueil de travaux [...], 15, p. 200)

Outre la Grande Epouse Royale, Pharaon possédait un important harem qui lui fournissait de nombreuses épouses secondaires. Cependant les harems égyptiens sont bien loin de la vision classique héritée de l'imagerie orientale, ils ne constituent en rien des prisons et des univers totalement clos, ils sont au contraire largement ouverts sur le monde extérieur et constituent de véritables centres économiques. Ces mariages secondaires étaient souvent l'occasion de sceller des alliances diplomatiques en célébrant des unions entre Pharaon et des princesses d'origine étrangère, comme ce fut le cas pour Gilouheba, fille de Shouttarna le propre oncle d'Amenhotep III, roi du Mitanni, envoyée à la cour thébaine en l'an 10 du règne. Amenhotep III épousa vraisemblablement trois de ses filles : Satamon, Aset et sans doute Khentyttaneb ; mais ces mariages n'étaient que pures actions symboliques et ne traduisaient en rien les aspirations du coeur de Pharaon. La cour thébaine était dominée par quelques brillantes personnalités ; la première d'entre elle fut sans aucun doute Amenhotep fils de Hapou : éminence grise, architecte, maître des Travaux de Pharaon (Programme architectural), l'un des hommes les plus puissants de son temps. Pharaon en fit son protégé et lui accorda d'innombrables faveurs dont celle, exceptionnelle, de bâtir son propre temple funéraire dans Thèbes ouest aux côtés de celui de son maître. Originaire de la ville d'Athribis dans le Delta descendant d'une famille de nomarques, il jouira d'une grande réputation d'habilité et de sagesse, et ce jusqu'à l'époque ptolémaïque (332-30) à laquelle il sera d'ailleurs divinisé. De ces gens de cour, on retiendra aussi le vizir Ramose en charge à la fin du règne d'Amenhotep III ainsi que Khâemhat, intendant du Double Grenier de Haute et de Basse Egypte, c'est à dire le "ministre" en charge de l'agriculture.


Amenhotep fils de Hapou, statue provenant du temple de Karnak, musée de Louqsor.

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