Une succession obscure et agitée

Amenhotep III Nebmaâtrâ (1391-1353), le Pharaon Soleil s'éteint après avoir siégé 38 ans et 7 mois sur le trône de Geb, vraisemblablement vers 1353 ; il laisse à son fils et successeur Amenhotep IV/Akhénaton Neferkherourâ (1353-1336) un Empire immense aux richesses innombrables mais de plus en plus menacé par les puissances asiatiques au premier rang desquelles figuraient le royaume du Hatti (royaume hittite) et celui du Mitanni. Amenhotep III à la fin de son règne, alors fort âgé et malade, et sans aucun doute pleinement conscient de la dégradation sensible de la situation extérieure de l'Empire, n'avait pu ou voulu intervenir pour réaffirmer avec force la suprématie de l'Egypte sur le monde.

1-Amenhotep IV/Akhénaton Neferkheperourâ l'hérétique et l'intermède amarnien :

Le Maître du Double Pays, Neferkheperourâ Ouâenrâ ; le Fils de Râ qui vit de Maât, le Maître des Apparitions Divines, Akhénaton, grand est son temps de vie. La Grande Epouse Royale, sa bien aimée, la Maîtresse du Double Pays, Nefertiti Neferneferouiten, puisse-t-elle vivre, être prospère et jeune pour l'éternité.
(titulature d'Akhénaton et de le reine Nefertiti)


Buste d'Akhenaton, musée égyptien du Caire.

Amenhotep IV Neferkheperourâ monta sur le trône très jeune, à l'âge de quinze ans environ, vers 1353. Difficile de déterminer les conditions exactes de l'accession au trône du jeune roi, pour certains égyptologues, il aurait été pendant trois ans co-régent de son père Amenhotep III Nebmaâtrâ, diminué par l'âge et la maladie, les rênes effectives du pouvoir auraient alors été tenues par la Grande Dame Tyè, certains spécialistes évoquent une co-régence beaucoup plus longue allant même jusqu'à imaginer deux rois vivant dans deux capitales distinctes et possédant leur propre cour et administration, d'autres au contraire réfutent en bloque la co-régence ; impossible donc de trancher de manière définitive et irréfutable sur cette obscure transition entre les deux règnes. Dès son intronisation Amenhotep IV poursuivit, toujours avec discrétion, une véritable réforme religieuse initiée par son père. Mais à partir de l'an IV de son règne, le jeune Pharaon change radicalement de stratégie et s'oppose ouvertement à l'ordre religieux établi, il affirme la souveraineté unique de son dieu solaire Aton, "le disque". Il prend alors une série de mesures hautement symboliques : la première d'entre elle fut son changement de nom, il abandonne celui d'Amenhotep, littéralement "puisse Amon être satisfait", pour celui d'Akhénaton, "Celui qui est profitable à Aton" ; il quitte l'antique capitale thébaine, la ville tutélaire d'Amon, pour fonder sa propre capitale, sortie des sables qu'il baptisera Akhèt-Aton, "l'horizon d'Aton", aujourd'hui Tell-el-Amarna. Malheureusement le roi ivre de dieu ne vivait que pour l'Aton ; l'administration et le maintient de l'Empire ne l'intéressaient guère. Le roi hittite Souppilouliouma pénétra en Mitanni et en pilla la capitale avant de s'emparer de la Syrie du Nord, l'Assyrie profita aussi de l'inaction de Pharaon pour s'emparer de possessions égyptiennes. Akhenaton meurt sans doute vers 1336, la fin de son règne fut sans doute relativement triste, l'échec de la réforme amarnienne, la situation de plus en plus préoccupante de l'Empire, tous ces facteurs durent peser lourdement sur le coeur du souverain.
Le Grand Hymne à Aton est sans aucun doute la production littéraire la plus célèbre du règne d'Akhénaton, sa dimension poétique admirable, ses touchantes images naturalistes, en font l'un des textes les plus émouvants de la littérature égyptienne. Son contenu influença grandement, pour ne pas dire exclusivement, quelques siècles plus tard les rédacteurs de certains psaumes bibliques.

Quand à nouveau blanchit la terre, alors que tu te lèves en l'horizon, tu étincelles, ô Aton dans le jour. Tu repousses les ténèbres, tu donnes tes rayons, et le double pays est en liesse. Ceux qui dormaient s'éveillent, se dressent sur leurs pieds, car tu les fais se lever ; ils lavent leurs corps, prennent leurs vêtements, tandis que de leurs mains ils louent et acclament ta radieuse apparition ; et le pays entier accomplit ses travaux. Les animaux de toutes espèces se reposent sur leurs pâtures ; les arbres et les plantes reverdissent ; les oiseaux s'agitent dans leurs nids, tandis que leurs ailes, en se déployant, louent et acclament ton ka ; le petit bétail saute sur ses pieds. Tout ce qui vole et se pose vit, lorsque tu apparais. (...) Combien multiple est ton oeuvre cachée à la vue, ô dieu unique, auprès de qui il n'en existe point d'autre. Tu as fait la terre selon ton désir, alors que tu étais seul, ainsi que les hommes, tout le bétail, gros et petit, et tout ce qui marche avec des pieds sur le sol, et tout ce qui s'élève en volant avec des ailes, les pays de Syrie, le pays de Koush, et l'Egypte.
(extraits du Grand Hymne à Aton, Amarna, VI, pl. XXVII)

2-La restauration et le début de l'ère ramesside :

L'Horus, taureau puissant qui apparaît glorieux dans Thèbes et fait revivre le Double Pays ; le Nebty, celui de la renaissance dont le bras vaillant repousse les Neuf Arcs ; l'Horus d'Or, celui qui renouvelle les apparitions (divines) dont la puissance des arcs (l'emporte) dans tous les pays ; Celui du Jonc et de l'Abeille, Mèn-maât-Râ ; le Fils de Râ, Séthy (Ier) Mérè-èn-Pétéh.
(titulature de Séthy Ier)

Après la mort d'Akhénaton et le règne fantôme de Smenkhkarâ Ânkhkheperourâ que le roi hérétique avait uni à sa fille aînée Mérytaton, accède au trône un jeune prince élevé à la cour amarnienne nommé Toutânkhaton, qui épousa Ânkhesenpaaton, la troisième fille d'Akhénaton. Le nouveau souverain se détourna alors d'Aton et changea son nom en Toutânkamon "la vivante image d'Amon", tandis que son épouse devenait Ânkhesenamon "elle vit pour Amon". Pour marquer le renouveau du grand dieu thébain, Pharaon se fit introniser, vers 1335, au grand temple d'Amon-Râ à Karnak. Toutânkhamon établit un vaste programme pour réparer les destructions ordonnées par Akhénaton, restaurer le culte d'Amon et des autres dieux, nommer des prêtres, élever des monuments et des statues, comme en témoigne la stèle dite de la restauration : "Lorsque Sa Majesté apparut en roi, les temples des dieux et des déesses, depuis Eléphantine jusqu'aux marais du Delta étaient tombés en ruines ; leurs chapelles étaient dévastées, devenues des endroits déserts où poussaient les herbes. (...) Le pays était dans la détresse, car les dieux l'avaient abandonné. (...) Sa Majesté fit des monuments pour les dieux, façonnant leurs statues en or fin véritable du meilleur des déserts, restaurant leurs sanctuaires pour le temps éternel, les pourvoyant pour le temps infini." (Urk. IV, 2025-2032).


Ramsès II faisant brûler de l'encens, à ses côtés le dieu Montou, temple de Louqsor.


Statue colossale de Ramsès II, temple de Louqsor.

Les successeurs de Toutânkhamon, le divin père Aï Kheperkheperourâ (1326-1323), et surtout Horemheb Djeserkheperourâ (1323-1293) poursuivirent la restauration de l'ordre ancien. Dernier Pharaon de la XVIIIe dynastie, Horemheb choisi pour lui succéder son propre vizir Parâmessou, qui monta sur le trône sous le nom de Ramsès Ier Menpehetyrâ vers 1293 fondant ainsi la XIXe dynastie. Séthy Ier Menmaâtrâ (1291-1279) et avant tout son fils et successeur Ramsès II Ousermaâtrâ (1279-1213) s'attachèrent à restaurer le prestige international de l'Egypte en maintenant avec succès la domination égyptienne en Asie, des abords de la quatrième cataracte jusqu'à la région de Damas, Merenptah Baenrâ (1213-1204) repoussera les Libyens et se maintiendra en Palestine. C'est une ère de renaissance tant sur le plan artistique que religieux, la civilisation égyptienne entre dans une ère nouvelle : l'ère ramesside, dont les développements demeurent souvent tout à fait originaux.

Sommaire